Être un ado à l'ère des médias sociaux - Et doit-on craindre les « tradwives » ?
Étrange époque alors que celles et ceux qui veulent un retour aux valeurs du passé en parlent partout en ligne et deviennent des créateurs de contenus art de vivre...
La fuite dans le passé, mais sur le Web
La publication Mother Jones a abordé à la fin juillet cette tendance qu’on ne peut éviter dans les contenus en ligne : les fameuses « tradwives » en notant qu’elles sont un symptôme d’une radicalisation bien plus large qu’on ne pourrait le croire.
Je dois ici faire une déclaration d’intérêt : je ne pourrais pas être une « tradwife », faire du ménage est pour moi un mal nécessaire, j’adore cuisiner, mais quand je finis, le chantier que je laisse derrière moi est spectaculaire. Et pas question, de tenir maison en robe du soir, je suis plus du type sorcière, en yoga pants usés et hoodie de band metal. Or, ce qui me chicote dans le courant actuel des femmes à la maison mode de vie traditionnel (ce qui veut dire tout faire soi-même et laisser la carrière à un pourvoyeur époux), c’est qu’il s’agit bien là d’un symptôme de recul grave dans l’égalité des sexes.
De la maman qui blogue à l’épouse traditionnelle
Après avoir vécu la vague des mamans blogueuses, beaucoup d’observatrices du Web pourraient pencher vers l’idée réconfortante que la chose passera comme les bottes Ugg ou les selfies de pieds. Cela dit, une autrice citée par Mother Jones, Seyward Darby, alors qu’elle s’intéressait à la question de la montée du nationalisme blanc a noté l’émergence d’une sous-culture, celle des femmes qui performent une version hyper léchée de la maternité :
C'était agressivement antiféministe, anti-diversité ; une partie était fièrement «problanche», dit Darby. L'ascension de Trump a contribué à donner à ces femmes un mégaphone plus grand. (traduit librement par l’autrice)
C’est l’algorithme qui nous mène…
On lit cela et on ne peut que penser que ces mamans blogueuses sur la méthamphétamine ne peuvent pas toutes être des suppôts de la droite blanche radicale. Clairement pas, mais le sous-texte inquiète et surtout joue sur les zones « algorithmiques » des contenus en ligne :
Par exemple, une femme trad peut plaider pour une « vie naturelle » ou l'enseignement à la maison, puis virer à la rhétorique anti-régulation des naissances ou à l'endoctrinement religieux. « Lorsque vous vous engagez dans ces vidéos, parce qu'elles sont si proches du contenu fasciste d'extrême droite, vous êtes rapidement entraîné dans un terrier de lapin de l'extrémisme. » (traduit librement par l’autrice)
Se retrancher dans un rôle respecté en dépit de cause
La vie est plus difficile pour beaucoup en ce moment. L’inflation, les guerres qui ont des répercussions jusqu’ici font pencher plusieurs pour un repli, qui se traduit par une déconnexion de l’actualité. Ainsi, on substitue parfois une nostalgie des modes de vie plus traditionnels dans lesquels la complexité actuelle est remplacée par un mode de vie local, qui ne demande pas une compréhension accrue de l’état planétaire.
À chacun son petit bonheur, loin des mirages que le néolibéralisme a pu engendrer :
Au cours des dernières années, nous avons connu une pandémie, la chute de Roe v. Wade et la fin de l'ère Girlboss. L'essor des épouses traditionnelles marque ce que Samhita Mukhopadhyay, autrice du livre de 2024 The Myth of Making It : A Workplace Reckoning, considère comme « une réponse aux échecs d'un féminisme néolibéral sur le lieu de travail » qui s'étend des années 1960 à nos jours, un qui se concentre sur l'individualité. (traduit librement par l’autrice)
Ce qui ressort au final, c’est qu’on ne peut plus juste suivre naïvement une tendance sans comprendre ce que les algorithmes, le politique et moult intérêts commerciaux y accolent implicitement. Bref, on ne peut retourner en arrière et prétendre que communiquer sur son mode de vie en ligne n’a pas d’impacts sociopolitiques plus larges.
Bref, je vous recommande de lire l’article au complet, vos algorithmes vous en remercieront :
Pourquoi parents et enfants pensent que c’est plus difficile d’être un ado en 2024?
Le Pew Reasearch Center a mené une enquête sur cette question en donnant la parole à des enfants et à des parents.
Ce qui ressort c’est que les réseaux sociaux et surtout le désir de conformité qui vient avec, sont cités comme source de presssion. Voici deux graphiques tirés du contenu en vedette sur le site du PRC :
Is it harder these days to be a teen? Or do today’s teenagers have it easier than those of past generations?
We asked the following question of 1,453 U.S. parents and teens: Compared with 20 years ago, do you think being a teenager today is harder, easier or about the same?
Why Many Parents and Teens Think It’s Harder Being a Teen Today | Pew Research Center